Si vous êtes expatrié à l’étranger, c’est possible !
La perte de la langue maternelle
L’attrition est un phénomène linguistique qui correspond à la perte ou à la détérioration de la maîtrise de sa langue maternelle.
Un phénomène peu connu et souvent tabou.
L’attrition est renforcée dans un contexte d’expatriation car la langue maternelle des enfants peut être remplacée par une langue seconde* : celle de leur environnement quotidien ou de leur scolarisation.
Cette langue seconde devient alors dominante dans le cerveau de l’enfant.
En effet l’expatriation implique souvent pour l’enfant de s’adapter à un nouveau cadre linguistique, souvent bilingue, voire multilingue. Selon la situation familiale et l’environnement scolaire, le jeune expatrié peut être amené à jongler entre plusieurs langues :
- celles des parents
- celle de l’école
- celle du pays d’accueil.
Ce phénomène est d’autant plus marqué chez les enfants nés en expatriation.
Faire coexister deux langues ou plus demande un effort cognitif important. Quand la langue de scolarisation et la langue locale diffèrent de la langue maternelle, cette dernière est souvent reléguée en arrière-plan. C’est l’attrition.
L’attrition peut concerner différents niveaux de compétences linguistiques :
- la syntaxe : la sensation de construire des phrases bancales.
- le vocabulaire : un mot nous échappe, le fameux « je l’ai sur le bout de la langue » !
- l’expression écrite : la langue maternelle est uniquement utilisée à l’oral, on ne connaît plus les règles d’orthographe, d’accords grammaticaux.
- l’expression orale : on se souvient d’une expression mais l’on n’arrive pas à la reconstituer entièrement.
Ce qui peut être problématique lors du retour en France : l’enfant aura sans doute plus de mal à s’intégrer scolairement, culturellement et socialement.
Comment lutter contre l’attrition ?
Il est primordial de maintenir le contact de l’enfant avec sa langue maternelle.
- Continuer à utiliser la langue maternelle à la maison, afin qu’elle continue à être le support d’émotions et de souvenirs.
En effet, le langage, en tant qu’outil de la communication humaine, moyen d’interagir avec autrui et le monde qui nous entoure, est profondément vivant. Son ancrage dans le cerveau ne se circonscrit pas à la mémoire ; le système limbique, siège de nos émotions, joue également un rôle crucial.
- Augmenter le temps d’exposition à la langue maternelle, même de manière passive.
Par exemple, écouter des podcasts et des comptines pour les plus jeunes, regarder des films, des séries télévisées, des dessins animés.
- Mettre en place une routine pour développer un vrai bilinguisme
Pour soutenir le cheminement bilingue de votre enfant, l’idéal est de mettre en place une routine consacrée à la langue maternelle.
Un temps court mais à intervalles réguliers pour optimiser l’apprentissage, comme le rappelle S. Dehaene, titulaire de la chair de psychologie cognitive expérimentale au Collège de France : » la règle est simple, et tous les musiciens la connaissent : mieux vaut quinze minutes de travail tous les jours de la semaine que deux heures concentrées en une seule journée » dans Apprendre ! Les talents du cerveau, le défi des machines (O. Jacob, 2018).
La lecture est un des moyens les plus efficaces pour apprendre de nouveaux mots. Pour en savoir plus sur les bienfaits de la lecture et nos conseils de lecture, vous pouvez lire nos articles sur ce blog.
Enfin, savoir écrire sa langue maternelle, cela s’apprend. Les règles d’orthographe et de grammaire, la conjugaison des verbes viennent parfaire le bilinguisme, spécialement en français.
De nombreuses ressources en ligne permettent d’apprendre à son rythme et de façon interactive.
En primaire, les jeux pédagogiques de la plateforme Savio sont un support reconnu, et recommandé par l’AEFE, pour apprendre les règles du français écrit du CE1 jusqu’à la 6e et enrichir le vocabulaire et la culture française.
Une fois au collège et lycée, les exercices en ligne du Projet Voltaire sont une ressource efficace.
Langue étrangère vs langue seconde
« En didactique française, le terme langue étrangère définit une langue non maternelle, langue qui est apprise/enseignée à l’école.
La langue seconde est, de son côté, toute langue non maternelle ou non initiale acquise par imprégnation sociale et/ou immersion scolaire, par exemple le français en cours d’apprentissage ou d’acquisition par des immigrés ou des enfants non francophones nouvellement arrivés en France.
La langue seconde est aussi dans les pays où le multilinguisme est officiel, une langue non maternelle bénéficiant d’un statut privilégié comme le français dans les pays d’Afrique francophone. »
Selon Paula Prescod et Jean-Michel Robert, La langue seconde à la croisée des chemins, Éla. Études de linguistique appliquée 2014/2 (n° 174), pages 139 à 146.
Envie d’en savoir plus sur ce sujet passionnant qu’est l’attrition, voici quelques références bibliographiques :
- Les travaux de Monika S. Schmid https://languageattrition.org/publications/ notamment « Language Attrition » publié par Cambridge University Press, qui offre un aperçu exhaustif des théories et des méthodologies liées à l’attrition linguistique https://www.cambridge.org/core/books/language-attrition/E01D99C677868227CED2DEB9E35E5E56
- Hyltenstam, K., Bylund, E., Abrahamsson, N., & Park, H.-S. (2009). Dominant-language replacement: The case of international adoptees. Bilingualism: Language and Cognition, 12(2), 121-140.